Les nouveaux objectifs de développement durable représentent une occasion historique pour aborder la santé mentale en tant que priorité du développement dans le monde. Pour la première fois, les dirigeants mondiaux ont reconnu la promotion de la santé mentale et du bien-être et la prévention et le traitement de la toxicomanie parmi les priorités de la santé dans le cadre du Programme de développement mondial.
Alors que cette reconnaissance croissante est une avancée significative, le défi auquel nous sommes confrontés est considérable. Des études ont montré que seulement 10 % des personnes atteintes de troubles mentaux dans les pays à faible revenu les plus pauvres sont en mesure d’obtenir un traitement et des soins, tandis que près de 90 % en sont privées.
Nous avons besoin d’innovation afin de « renverser l’écart », c’est-à-dire pour passer de 10 % à 90 % des gens recevant un traitement.
À Grands Défis Canada, dont le financement provient du gouvernement du Canada, nous savons que cela est possible. Nous avons engagé quelque 39 millions $CAN dans 71 innovations en santé mentale dans le monde, qui sont mises en œuvre dans 28 pays. Une somme de 17 millions $CAN a été investie dans 15 projets de déploiement à l’échelle. Ces projets pourraient avoir un impact transformateur sur l’écart de traitement en santé mentale, comme le montrent les trois exemples suivants.
Le Banc de l’amitié a le potentiel de rendre les soins de santé mentale accessibles à toute une nation africaine. C’est une idée simple : créer un espace confortable où les gens peuvent partager leurs problèmes avec des membres de la communauté qui les écoutent avec compassion et offrent une thérapie axée sur la résolution de problème. L’intervention brève (6 x 45 minutes) axée sur la thérapie cognitivo-comportementale avec transfert de tâche est confiée à des travailleurs de la santé non professionnels supervisés et se déroule sur un banc en bois dans l’enceinte des cliniques municipales et cible des maladies mentales communes chez les utilisateurs de soins de santé primaires.
De nombreux utilisateurs des soins primaires sont aussi porteurs du VIH/sida et ont connu la violence ou des bouleversements familiaux. Une récente étude a constaté que, parmi les patients du plus grand établissement de soins de santé primaires d’Harare, la prévalence probable de troubles mentaux courants et de dépression était plus élevée chez les personnes vivant avec le VIH que chez celles qui n’étaient pas atteintes (67,9 et 68,5 % c. 51,4 et 47,2 %, respectivement).
Au cours de la démonstration de principe du Banc de l’amitié, qui a reçu l’appui de Grands Défis Canada, le projet a obtenu des résultats prometteurs : 2960 personnes ont été examinées pour la dépression dans 24 cliniques publiques d’Harare. En outre, un essai contrôlé randomisé a montré des améliorations significatives de la dépression, de l’anxiété, de la qualité de vie et du fonctionnement parmi les 246 participants (40 % VIH+) dans le groupe d’intervention six mois après le début de la thérapie, par rapport au groupe témoin.
Maintenant, avec le soutien de Grands Défis Canada et de partenaires de déploiement à l’échelle, l’intervention du Banc de l’amitié est en voie de déploiement dans 72 nouvelles cliniques des villes de Harare, Gweru et Chitungwiza, et est également en voie d’intégration dans un programme de santé mentale de Médecins Sans Frontières pour traiter 14 000 personnes d’ici la fin de 2016.
En juillet 2016, 12 100 personnes avaient déjà accédé au service du Banc de l’amitié dans les trois villes du Zimbabwe. En outre, le Plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR) a fourni à l’équipe un montant supplémentaire de 150 000 $US pour analyser les changements dans la charge virale du VIH parmi une cohorte de 1000 à 2000 personnes sur une période de 6 mois.
Potentiel de transformation : L’écart de traitement actuel pour les troubles de santé mentale communs au Zimbabwe est significatif. En cas de réussite, le Banc de l’amitié aidera à démontrer comment des soins de santé mentale peuvent être dispensés par les centres de soins primaires, même là où il y a une pénurie de spécialistes.
L’innovation Family Networks for Kids (FaNs) s’emploie à créer un puissant réseau de recrues pour prendre soin des enfants et des jeunes qui ont des troubles de développement par un transfert de tâches des travailleurs de la santé à des parents et des voisins. Le projet utilise la technologie de réponse vocale interactive pour identifier les enfants ayant un retard de développement, et habilite des « champions de la famille » bénévoles pour offrir des interventions fondées sur des données probantes à leurs propres enfants et à d’autres au sein de la communauté.
L’essai initial de l’innovation FaNs, qui a été appuyé par Grands Défis Canada, a donné des résultats prometteurs : 2690 enfants ont été examinés pour des troubles du développement à l’aide du système précis de réponse vocale interactive à faible coût (84,4 % de précision à un coût de 0,07 $, comparativement à 7 $US pour une enquête porte-à-porte). Dix « champions de la famille » formés ont aidé 70 dyades parents-enfants participant à FaNs, ce qui entraîné des améliorations cliniquement significatives au niveau du fonctionnement, du handicap et de la difficulté socio-affective des enfants.
L’innovation est en voie d’amélioration et d’extension à une population d’un million de personnes; elle sera évaluée avec le soutien de Grands Défis Canada et un large éventail de partenaires, dont l’Organisation mondiale de la Santé et Autism Speaks. Il est prévu que, d’ici la fin de cette année, 27 500 enfants et adolescents auront accès à des services de dépistage des troubles du développement. Aussi, 2700 enfants montreront un meilleur fonctionnement et une réduction de leurs problèmes émotionnels et comportementaux.
En juin 2016, 2000 enfants ayant un retard de développement ont déjà été identifiés et reçoivent des soins dans le cadre du Programme de formation de compétences des parents de l’OMS pour les familles d’enfants ayant un retard ou un trouble du développement. L’équipe de la Fondation de recherche sur le développement humain travaille également en étroite collaboration avec le Ministère national des Services de santé à la mise en œuvre à l’échelle nationale du programme mhGAP de l’OMS au Pakistan, et utilise un modèle de franchise sociale pour déployer à l’échelle et soutenir l’impact à travers le pays.
Potentiel de transformation : Au Pakistan, les troubles du développement, y compris une déficience intellectuelle et des troubles du spectre autistique touchent plus de 7 % des enfants – soit 4,3 millions – dont la quasi-totalité ne sont pas traités en raison de la discrimination, la mauvaise conscience de la nécessité médicale parmi les membres de la famille et les travailleur de la santé de première ligne, et le manque de services spécialisés en particulier hors des centres urbains. Le projet FaNs pourrait réduire sensiblement cet écart de traitement et être adopté dans d’autres parties du monde.
Le modèle BasicNeeds pour la santé mentale et le développement est conçu pour traiter la maladie mentale au niveau communautaire, offrant de l’éducation, de la formation, des soins et des moyens de subsistance et rassemblant un réseau d’organisations et de personnes pour fournir de meilleures ressources à l’intention des utilisateurs finaux.
Grâce au financement de Grands Défis Canada, BasicNeeds développe et procède à l’essai d’un système de franchise sociale innovant qui permettra à des organisations locales d’adopter et de mettre en œuvre elles-mêmes le modèle BasicNeeds pour la santé mentale et le développement – apportant des services si nécessaires à leur communauté.
À ce jour, des accords de franchise sociale ont été signés avec trois ONG locales qui s’emploient actuellement à mettre en œuvre le modèle BasicNeeds au Ghana, au Kenya et au Nigeria. Sur ces trois sites, 4165 personnes atteintes de maladie mentale ou d’épilepsie et 3580 soignants bénéficient du programme de santé mentale et développement. En outre, 573 travailleurs communautaires et travailleurs de la santé ont reçu une formation sur les maladies mentales courantes et l’épilepsie, les droits des personnes atteintes de maladie mentale et la violence familiale et sexuelle.
Potentiel de transformation : Le lien dévastateur entre la maladie mentale et la pauvreté a été longtemps ignoré et a contribué à un déficit de traitement de près de 90 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire les plus pauvres. À la lumière de l’expérience antérieure de BasicNeeds et de données connexes, le modèle BasicNeeds pour la santé mentale et le développement vise à faire en sorte que 90 % des personnes ayant des problèmes de santé mentale dans les collectivités ciblées aient accès à un traitement et que 75 % soient en mesure de travailler.
En cette Journée mondiale de la santé mentale, nous célébrons les progrès accomplis en vue de reconnaître la santé mentale dans le cadre du Programme de développement mondial et d’investir dans la santé mentale à travers le monde.
Par le truchement de Grands Défis Canada, le Canada est l’un des principaux bailleurs de fonds de l’innovation en santé mentale. Les trois projets décrits ci-dessus, ainsi que le déploiement à l’échelle d’innovations en santé mentale dans le monde avec le soutien de Grands Défis Canada, ont permis de rejoindre des dizaines de milliers de personnes et laissent entrevoir le potentiel d’améliorer la vie de 1,5 million de personnes d’ici 2030. Cependant, nous devons redoubler d’efforts afin d’en atteindre des millions.
Cela ne peut être fait qu’avec l’aide de partenaires comme l’Organisation mondiale de la Santé, les gouvernements nationaux et locaux, les organisations non gouvernementales internationales, le secteur privé et d’autres groupes. Ensemble, nous pouvons « Renverser l’écart » et veiller à ce que tout le monde, partout, ait accès à des traitements fondés sur des données probantes et des soins de qualité, à prix abordable pour les troubles de santé mentale.
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