Auteur invité

Pour marquer la Semaine mondiale de l’eau 2015, Grands Défis Canada met en relief un innovateur qui s’attaque aux eaux souterraines polluées de Nairobi. Susan Naipanoi Letuya est la gestionnaire des partenariats à TakaTaka Solutions, un projet Les Étoiles en santé mondiale qui s’intéresse aux problèmes de santé des ménages kenyans urbains.


Chaque jour, environ 200 camions entrent dans la décharge de Dandora, le site d’enfouissement officiel de Nairobi, pour y déposer plus de 800 tonnes de déchets. Après avoir fait la queue pendant des heures, les conducteurs manœuvrent lentement leurs lourds camions à travers les déchets, en faisant attention de ne pas rester pris, puisque Dandora n’a pas de vraie route. Lorsqu’un camion atteint le point de déchargement à la périphérie du site d’enfouissement, les 3000 ramasseurs de déchets de Dandora commencent leur travail, fouillant avec soin les ordures pour y extraire les matières ayant de la valeur. Trouver ces matières n’est pas chose facile : la majorité des déchets de Nairobi sont organiques et tout le reste ce qui sort d’un camion de déchets est souvent trop sale pour être revendu. Ainsi, les déchets s’accumulent et Dandora engloutit progressivement le bidonville voisin de Korogocho.

Dandora Dumpsite

Décharge de Dandora, site d’enfouissement officiel de Nairobi

Dandora est une catastrophe sanitaire et environnementale. Avec une superficie 43 hectares, soit l’équivalent de 60 terrains de football, le site est devenu beaucoup trop vaste pour être géré et les déchets contaminent les eaux souterraines depuis des années. Cela affecte un demi-million d’habitants vivant autour du site de décharge. Une étude réalisée en 2007 par le PNUE qui a examiné 328 enfants vivant à proximité du site de décharge a révélé que la moitié avait un taux de plomb sanguin égal ou supérieur au seuil d’empoisonnement de 10 microgrammes par décilitre de sang. L’exposition à des niveaux élevés de plomb est liée à des dommages au système nerveux et au cerveau. elle peut aussi causer le cancer.

Dandora dumpsite.

Ramasseurs de déchets au site de décharge de Dandora.

Pourtant, cela ne donne pas la pleine mesure du problème de la gestion des déchets à Nairobi. L’un des principaux cours d’eau de la capitale traverse la zone de décharge, transportant l’eau polluée en aval où elle est utilisée pour l’irrigation des produits alimentaires et l’eau potable. De plus, les 800 tonnes de déchets qui se retrouvent à Dandora quotidiennement ne représentent qu’un tiers des déchets de la ville. Le reste est déversé illégalement sur de petits sites de décharge, jeté dans les rivières ou brûlés. En effet, les deux tiers des habitants de Nairobi, soit quelque 2,5 millions de personnes, ne peuvent tout simplement pas se payer de service de collecte des déchets. Ainsi, 1600 tonnes de déchets non recueillis viennent polluer l’environnement et les cours d’eau de Nairobi dans des milliers de « mini-Dandoras » à chaque jour.

Notre société, Solutions TakaTaka, une entreprise sociale soutenue par Grands Défis Canada (qui est financé par le gouvernement du Canada), a mis au point un modèle novateur pour relever ces défis (takataka signifie déchets en kiswahili). Nous offrons non seulement des services de collecte des déchets à prix abordable dans les secteurs à revenu faible ou moyen, mais nous réussissons également à recycler ou à réutiliser 93 % des déchets que nous recueillons. Nous séparons les déchets en plus de 40 fractions différentes qui réintègrent le cycle de production de diverses industries. Nous utilisons la partie organique des déchets pour produire du compost de haute qualité qui est vendu aux agriculteurs comme un ingrédient clé pour améliorer la fertilité des sols, un défi majeur en agriculture au Kenya.

Waste separation containers.Sorted cartons.

Notre taux de recyclage de 93 % est l’un des plus élevés au monde. En comparaison, le Canada a un taux de recyclage de 27 % – semblable à celui de la plupart des pays développés. Étant donné que TakaTaka Solutions ne rejette à peu près aucun déchet et peut tirer des revenus de la vente de matières recyclables et de compost, elle est en mesure d’offrir des services de collecte des déchets à un tarif de seulement 80 shillings kényans (1 $CAN) par foyer, par mois. Cela est à la portée de tout le monde à Nairobi.

WasteFlow Chart

Après un vaste programme pilote ayant comporté de nombreuses itérations, nous commençons à nous approcher de notre but. Nous recueillons actuellement les déchets de plus de 8000 ménages (25 000 personnes), soit plus de 10 tonnes de déchets par jour. Nous exploitons trois points de recyclage et une grande usine de compostage. Notre personnel de plus de 80 personnes est constitué en majorité de femmes et nous leur offrons des emplois équitables, de bons salaires, des programmes alimentaires, une assurance maladie et des régimes d’épargne. Notre engrais organique, lancé récemment, gagne en popularité auprès des agriculteurs.

A farm testing TakaTaka's high-quality organic fertilizer. The compost aims to improve soil fertility, a major challenge to Kenya's agriculture.

Une ferme mettant à l’essai l’engrais organique de haute qualité de TakaTaka. Le compost vise à améliorer la fertilité des sols, un défi majeur pour l’agriculture au Kenya.

Le fait que nous ayons pu atteindre le volume actuel de déchets collectés montre le genre d’impact que nous sommes en mesure d’avoir au niveau des ménages. Nous commençons à changer les comportements, en offrant aux gens des secteurs à faible revenu des solutions de rechange intéressantes et abordables à leurs moyens habituels d’élimination des déchets.

Faith Njema, notre gestionnaire au point de recyclage dans Githogoro, est à même de constater des changements de comportement chaque jour. Faith a été embauchée il y a moins d’un an comme trieuse de déchets, mais après avoir observé le dévouement de cette mère de deux enfants, nous l’avons promu à son poste actuel. Elle gère désormais les collecteurs, les conducteurs, les trieurs, et beaucoup d’autres, et nous ne pouvons être plus heureux des résultats qu’elle obtient. Faith raconte : « Quand nous avons commencé à Githogoro, les gens étaient sceptiques. Ils demandaient : ‘Pourquoi payer pour les services de collecte des déchets lorsque vous pouvez les jeter partout?’ Heureusement, cela est en train de changer. Je m’emploie à former nos nouveaux trieurs assez rapidement pour que nous puissions suivre l’augmentation des déchets dont il faut faire le tri. Nos clients ne cessent d’en produire plus ». Pourtant, TakaTaka Solutions ne dessert actuellement que moins de 1 % de la population de Nairobi. Nous voulons en desservir beaucoup plus.

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Alors qu’elle poursuit sa croissance, TakaTaka Solutions s’est engagée à offrir des solutions de rechange viables à la décharge à Dandora. Notre travail vise non seulement à refermer les cycles de production et de consommation, mais aussi à garder Nairobi propre, à sauver ses eaux et à garder ses enfants en meilleure santé. Le véritable témoignage de notre impact viendra lorsque nous aurons changé le comportement de centaines de milliers de personnes. Nous sommes énergisés par ces défis.

Devant les énormes quantités de déchets mal gérées à Nairobi et ailleurs, le déploiement à l’échelle d’innovations comme celle que propose TakaTaka Solutions aidera les Kenyans à vivre plus proprement et plus sainement.


Pour en savoir plus sur TakaTaka Solutions, visitez le site Web de l’entreprise et suivez-la sur Twitter, Facebook et Instagram.

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