Auteur invité

Lena_SerghidesLena Serghides (PhD) est scientifique au Sandra Rotman Centre et scientifique adjointe à l’Institut de recherche de l’Hôpital général de Toronto, du Réseau universitaire de santé. Lena a obtenu son doctorat de l’Institut des sciences médicales de l’Université de Toronto, et a suivi une formation postdoctorale au Département d’immunologie de l’Université de Toronto. Son travail se porte sur la compréhension du fondement moléculaire de la réponse de l’hôte aux agents pathogènes dans un effort pour élaborer des approches thérapeutiques inédites et innovantes pour des maladies importantes en santé mondiale.


À l’occasion de la Journée mondiale contre le paludisme, je voudrais célébrer les succès des efforts mondiaux visant à contrôler et à éradiquer le paludisme, qui ont considérablement réduit la mortalité attribuable à cette maladie dans le monde. Je tiens également à souligner que, malgré tous ces efforts, au-delà d’un demi-million de personnes, principalement des enfants de moins de 5 ans, sont mortes des suites de la maladie l’an dernier. C’est un chiffre inacceptable.

Grands Défis Canada, qui est financé par le gouvernement du Canada, a appuyé notre équipe en vue de modifier la réponse de l’hôte au paludisme pour sauver de jeunes cerveaux.

Les essais SEQUAMAT et AQUAMAT bien connus ont démontré de façon convaincante que l’artésunate parentérale était supérieure à la quinine pour le traitement du paludisme grave. Cependant, l’artésunate n’a pas amélioré l’incidence des séquelles neurologiques persistantes par rapport à la quinine. Des séquelles neurologiques sont observées chez environ 1/3 des survivants du neuropaludisme (une complication grave de l’infection au paludisme). Les enfants survivants au paludisme cérébral peuvent éprouver des déficits d’apprentissage, de la mémoire et des fonctions exécutives, des problèmes de fluidité verbale, une réduction des fonctions motrices et des symptômes ressemblant au TDAH. Les troubles neurologiques persistants à cette échelle (millions de survivants) peuvent avoir un profond impact sur la santé publique et l’économie.

Photo : Différences volumétriques observées entre le cerveau de souris traitées avec des antipaludéens combinés à la rosiglitazone et celui de souris traitées uniquement avec des antipaludéens.

La réponse de l’hôte à l’infection joue un rôle dans le développement du paludisme cérébral au même titre que le parasite. Une réponse immunitaire trop agressive peut endommager les tissus, y compris le cerveau, et contribuer au développement du paludisme cérébral et à l’apparition de troubles neurologiques. Les traitements actuels aux antipaludéens ciblent seulement le parasite et ne contribuent guère à moduler la réponse de l’hôte. Pendant de nombreuses années, nous avons travaillé pour développer des thérapies contre le paludisme cérébral qui ciblent la réponse de l’hôte, en ajustant celle-ci pour qu’elle demeure efficace à combattre l’infection du paludisme mais sans endommager le cerveau. Notre espoir est que ces types de traitements puissent être administrés simultanément aux antipaludéens, conduisant à une amélioration des résultats pour les survivants du paludisme.

Mes collègues et moi du Sandra Rotman Centre for Global Health croyons disposer d’un médicament candidat pour ce traitement : la rosiglitazone, qui est un antidiabétique. Dans un modèle de souris avec paludisme cérébral, nous avons pu démontrer que le traitement de souris souffrant de paludisme cérébral avec une combinaison d’antipaludéens et de rosiglitazone les protégeait de la mort par rapport à des souris traitées uniquement avec des antipaludéens. Nos résultats les plus intéressants ont été observés chez des souris ayant survécu au paludisme cérébral. Les souris survivantes qui avaient été traitées avec des antipaludéens uniquement montraient une déficience de la mémoire à long terme et de la motricité par suite de l’infection au paludisme, tandis que les souris qui avaient reçu de la rosiglitazone en plus des antipaludéens ne montraient aucune déficience. Lorsque nous avons examiné le cerveau de ces souris par IRM, nous avons constaté une atrophie du cerveau chez les souris traitées uniquement avec des antipaludéens, alors que les souris ayant aussi reçu de la rosiglitazone avait un cerveau normal qui ne montrait aucune atrophie. Enfin, nous avons pu montrer que les mêmes voies conduisant à une protection chez les souris traitées à la rosiglitazone sont également actives chez les patients atteints de paludisme traités à la rosiglitazone, ce qui laisse penser que ce que nous avons observé chez les souris pourrait également être applicable aux patients.

Des souris atteintes de paludisme cérébral traitées aux antipaludéens ou aux antipaludéens combinés à de la rosiglitazone. Le bleu indique une rupture de la barrière hémato-encéphalique.

Photo : Des souris atteintes de paludisme cérébral traitées aux antipaludéens ou aux antipaludéens combinés à de la rosiglitazone. Le bleu indique une rupture de la barrière hémato-encéphalique.

Nous croyons que nos résultats sont très intéressants et appuient fortement la mise à l’essai de la rosiglitazone chez des patients atteints de paludisme cérébral. Une importante caractéristique de la rosiglitazone est qu’elle est déjà approuvée pour un usage humain et que les droits de brevets sur son utilisation ont expiré. Cela permettrait d’éviter une grande partie du coût et du temps associés à mettre ce traitement à la portée des patients et devrait réduire au minimum le prix du produit en vue de le rendre accessible au marché du monde en développement.

Grands Défis Canada a été un grand partenaire de ces études, en m’accordant une subvention de démarrage du programme Les Étoiles en santé mondiale pour appuyer mes recherches. Les idées qui sortent des sentiers battus requièrent des initiatives de financement novatrices. Le paludisme sera peut-être éradiqué d’ici 20 ans. En attendant, le développement de thérapies susceptibles d’aider à prévenir ou à réparer les dommages au cerveau causés par le paludisme constitue un objectif louable.


Pour un aperçu de tous nos projets liés au paludisme, lisez notre blogue « Le Canada aide à lutter contre le paludisme en investissant dans l’avenir par le biais de 40 projets innovants ».

Nous vous invitons à afficher vos questions et vos commentaires au sujet de ce billet de blogue sur la page Facebook de Grands Défis Canada et sur Twitter @gchallenges.